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Interview de Guillaume Peyronnet, créateur de Yourtext.guru
- 02/11/2023
- Posted by: Lucie
- Category: Interviews
Nouvelle rentrée, nouvelles interviews.
Cette fois-ci c’est à Guillaume de répondre à mes questions 😉
Lucie : En 2001 tu as eu l’idée de lancer un site de critiques “Krinein” et je crois que c’est là que l’aventure sur le web à commencé pour toi.
Tu as monté ta boite en solo, puis d’autres en famille, t’es l’un des créateur de Yourtextguru, tu partages tes expériences et tes connaissances avec la communauté depuis longtemps maintenant… Tu nous racontes tout ça ?
Guillaume : Krinein, c’était un site que l’on a monté avec une petite bande d’amis du lycée. Donc c’était même avant 2001. Mais 2001 est la date officielle retenue parce qu’au départ on n’avait pas du tout un nom de domaine dédié, c’était hébergé sur un espace gratuit sur un sous-domaine. Puis le fameux fr.st, et ensuite le .com !
Le concept c’était d’écrire des critiques de produits culturels : livres, jeux vidéo, manga, bd, sorties, émissions télé, etc.
C’était les débuts du web grand public en France, on s’amusait bien. Je me souviens que le premier jour où l’on a fait 10 000 visiteurs sur une journée, on était heureux comme tout. C’était grâce à un article sur Loft Story. Déjà le people fonctionnait bien sur le web.
On a alors pu professionnaliser un peu plus le site, écrire, découvrir le monde des relations presse, de la pub en ligne, et aussi l’éclatement de la bulle internet, qui a fait pas mal de ravages sur les revenus des sites web de l’époque.
Il a fallu sacrément charbonner pour continuer la course, surtout que la concurrence des grands médias est devenue très forte.
Il a fallu se rendre à l’évidence : vivre d’un site web culturel, cela allait être compliqué !
Mais c’était une super expérience (le site existe toujours !) : il fallait que je rende le site visible (vive le SEO et le webmarketing), que je l’améliore (vive le développement web), que je le rende “joli” (vive le css, l’intégration et les coups de main de personnes plus calées en design).
Alors, tout naturellement, en sortant de mes études, je me suis lancé en freelance dans ce que je savais faire : fabriquer des sites web, puis les rendre visibles grâce au SEO. Une partie édition de site, une partie pour des clients.
Et finalement, en 2013, on a décidé avec Sylvain Peyronnet (mon frère, mais oui!), après avoir travaillé régulièrement ensemble, de lancer une formation en SEO d’un nouveau genre. On voulait partir du fonctionnement du moteur de recherche pour en déduire ce que c’était que de faire du bon SEO.
Nous avons eu un superbe accueil avec des regards de SEO heureux de mieux comprendre pourquoi telle pratique qu’ils avaient fonctionnait, ou pourquoi telle autre était difficile. Quand on pense au moteur, on pense au fonctionnement global, au système complet, pas juste au petit tip du dernier kilomètre… et ça change tout. Il n’y a pas tellement de hasard en SEO.
Dans cette formation nous avions un chapitre complet sur la sémantique, avec des petits scripts php pour trouver les bons mots à utiliser pour faire un bon contenu SEO. Et un jour Frédérik Bobet nous a fait remarquer qu’il faudrait qu’on en fasse un outil plus sérieux, accessible aux SEO, et il nous a présenté Benoit Chevillot qui faisait de l’infra et du dev. Quatre associés très motivés !
Et c’était parti, yourtext.guru a vu le jour grâce à cette seule remarque… et beaucoup de travail !
Lucie : Depuis 2013 et le début des formations, le SEO a t-il beaucoup bougé ? Quel est le plus gros changement ou le tournant le plus important dans ce domaine d’après toi ?
Guillaume : Le SEO n’a fondamentalement pas bougé. En cela Google a une communication qui est plutôt bonne car elle est intemporelle : faites des sites de qualité et tout ira bien.
En vrai, c’est plus compliqué bien sûr, parce que la notion de qualité est difficile à définir.
Pour Google c’est un ensemble de signaux qui amèneraient à bien positionner des pages.
Pour le référenceur, c’est les signaux qui émanent des pages et des sites qui sont bien positionnés. Et si on estime humainement la qualité, on voit bien que ce que propose le moteur n’est pas toujours aligné. Et c’est tant mieux, sinon le métier de SEO n’existerait sans doute plus, remplacé par un métier plus proche de l’édition de livres.
Le SEO consiste donc toujours à faire mieux et plus que la concurrence. Le moteur de recherche est toujours une formidable machine à comparer et à classer. Il n’y a jamais d’absolu, mais des sites et des pages meilleurs que d’autres.
Ceci étant, au fil du temps les technos et algos ont évolué chez Google. Certaines pratiques un peu faciles ne fonctionnent plus, car elles sont bien mieux cernées. Et d’autres nécessitent d’être appliquées de façon pointues afin de toujours fonctionner à plein régime.
Les effets de modes sont toujours là : les logs, la vitesse des sites, etc. C’est cyclique.
On peut toujours se reposer sur les piliers traditionnels du SEO : contenu, technique et popularité.
Mais quand même, il y a une véritable nouveauté. C’est l’IA dans le moteur, et plus précisément les Large Language Model qui permettent de répondre de façon presque humaine à des questions, des intentions de recherche, sans avoir besoin de proposer de sites. Ce n’est pas encore parfait, mais c’est très prometteur, chez Google comme chez Bing, et il n’est pas impossible que cela révolutionne une partie des recherches. Certainement pas toutes, car de la même façon qu’on aime consulter un journal pour avoir des informations, on voudra sans doute continuer à lire des sites web, plutôt que d’avoir des réponses pré-mâchées sur un plateau.
L’avenir nous dira si l’usage se répand et si les humains y trouvent leur intérêt. En tout cas, il faut surveiller ce qui se passe !
Lucie : Puisque tu en parles, t’en penses quoi de l’arrivée de l’ IA, par rapport à la rédaction de contenu ?
Guillaume : Dans l’écosystème SEO, il y a toujours eu des pratiques visant à produire et faire indexer beaucoup de pages afin d’obtenir des effets de longues traines sans forcément aller chercher des liens. C’était fait avec des scripts assez sales en général, à base de chaînes de markov, de récupérations de contenus sur des sites tiers, de mélanges, etc. Depuis quelques années ont voyait aussi du gpt2 poindre. Mais c’était encore peu impressionnant : on ne pouvait pas imaginer faire autre chose que du contenu soupe.
Avec l’arrivée de chatGPT, c’est un autre monde qui s’ouvre. Un monde où les contenus IA ont l’air propres, bien habillés en costard, rédigeant parfois mieux que le commun des mortels. Bien sûr, un bon rédacteur fait bien mieux. Mais dans le monde du SEO la qualité n’est pas toujours un prérequis à la fabrication de contenu… Cette rédaction soupe est en train de prendre de l’épaisseur. Le niveau minimal a été rehaussé d’un coup. Le créneau de la rédaction à bas prix n’a plus de sens.
Heureusement, dans le SEO, il existe aussi la volonté de faire du contenu très qualitatif. L’oeil et le cerveau humains restent encore indispensables mais… l’IA permet de gagner beaucoup de temps : corrections, traductions, ajustement d’un texte pour en faire des déclinaisons facilement en fonction des supports et de l’audience. Transformation d’une transcription audio en fiche de lecture, etc. Il y a vraiment beaucoup à faire avec l’IA.
Lucie : Je fais un petit retour en arrière ! Quand tu as fait ton entrée sur le web avec Krinein, quelle était ta vision du web ? Pour être un peu plus claire : en 2001, tu imaginais que ça donnerait quoi en 2023 ?
Guillaume : Je n’imaginais pas grand-chose. L’effervescence était sur le moment présent. C’était déjà si formidable de pouvoir mettre des choses en lignes, écrire des contenus, les partager et voir que jour après jours des milliers de gens les lisaient, parfois commentaient même. Faire partie de l’aventure, c’était déjà énorme.
Lucie : Au travers des interviews je me rends compte que le point commun entre tous est la notion d’apprentissage qui perdure tout au long de la vie pro..
Alors pour toi, 20 ans plus tard, le temps a passé sur la découverte de la magie des moteurs de recherche, mais l’effervescence est-elle toujours là, est-ce que tu as aussi l’impression d’apprendre continuellement ou est-ce que ça se tasse un peu ?
Guillaume : Bien sûr, j’apprends toujours, sur les moteurs de recherche aussi. Même si les fondamentaux n’ont pas énormément changé, la technique a beaucoup évolué, si bien qu’une partie de ce qui se faisait avant est maintenant fait différemment, de façon plus efficace et plus qualitative.
Mais il y a tout de même de gros changements qui peuvent avoir un impact plus large que juste le moteur de recherche tel qu’on le connaît à l’heure actuelle.
L’arrivée des LLM (Large language model) pourrait changer la donner en transformant les moteurs de recherche en autre chose. Un moteur de réponse, de conversation ou juste en “moteur de recherche” : un moteur qui fait de la recherche pour obtenir directement un résultat et pas un moteur qui amène vers des ressources qu’il faut encore lire.
Tout ça pour dire que je continue à apprendre, et on est obligé puisque les nouveautés en IA se comptent par dizaines chaque semaine, il faut rester sacrément attentif.
Et j’apprends aussi beaucoup parce que l’expérience continue toujours à s’acquérir.
Lucie : On parlait d’apprendre, alors j’en profite pour rebondir avec une question très courte sur les formations que tu donnes avec Sylvain, mais aussi sur les conférences et les tables rondes faites lors des events : Pourquoi ?
Guillaume : Pourquoi faire des formations ? Il y a deux aspects.
Tout d’abord, parce que j’ai fait des études assez longues, et le principal intérêt d’en avoir fait, c’est d’avoir acquis les réflexes et automatismes pour pouvoir tout apprendre. Je mentirais si je disais que c’est toujours facile, mais globalement s’il y a un nouveau sujet à aborder, les habitudes acquises permettent d’y aller en confiance : on finira par connaître le sujet !
Mais ça peut prendre du temps, beaucoup de temps.
Alors que si quelqu’un est là pour aider, on peut littéralement gagner des jours, des mois.
Et c’est pour cela que j’aime faire de la formation.
J’aime aider ceux qui suivent nos formations à progresser plus vite. Je ne prétends pas être indispensable, simplement leur faire gagner du temps et partager un peu de mon expérience et de mes connaissances.
C’est pour moi l’enjeu, car dans nos domaines il existe des milliers de livres, de ressources… mais les journées ne font que 24 heures.
Ensuite, l’autre aspect est plus particulièrement relié au SEO. En 2013, si on a lancé nos premières formations, c’est parce qu’on a constaté qu’il y avait un manque de formation dans le SEO. C’est normal, la discipline n’était pas du tout théorisée, assez fraîche, et surtout littéralement pas de formation en école. Moi même j’avais appris le SEO en faisant mes propres sites et en discutant beaucoup sur les forums.
On a donc eu envie de participer à ce que le doigt mouillé disparaisse un peu de l’image.
Et c’est ma petite fierté, me dire qu’on a permis, au moins en France, à amener un peu plus de certitudes dans les pratiques SEO, notamment grâce à la mise en avant du fonctionnement de Google, qui est certes une boîte noire, mais dont on connaît tout de même le fonctionnement de plusieurs rouages.
Finalement, le SEO, c’est un peu comme de la mécanique.
Lucie : Après cette réponse pleine de sagesse, c’est le moment idéal pour poser ma dernière question : Si tu pouvais aller parler au petit Guillaume que tu étais, tu voudrais lui dire quoi ?
Guillaume : Crois en tes rêves, achète des bitcoins et des actions Apple.
Mais plus sérieusement, bravo, tu vas bien grandir 🙂