Blog
Interview de Julien Berard, un SEO dans le monde du jeu vidéo
- 20/09/2023
- Publié par : Lucie
- Catégorie : Interviews
Nouvelle rentrée, nouvelles interviews.
Pour commencer la série, c’est Julien Berard qui a répondu présent !
Merci à lui d’avoir joué le jeu pour toutes mes questions, même les moins faciles 😉
Lucie : On te connait pour tes avis tranchés sur twitter et on te doit d’ailleurs une belle invasion de nez rouges sur le réseau, mais on aimerait beaucoup en savoir plus sur le reste, tu peux nous parler de toi ?
Julien : Eh bien j’espère que le fait de me connaître pour mes avis tranchés ne donne pas trop d’à priori à mon sujet 😅
Je suis beaucoup plus tranquille et modéré dans la vraie vie (limite timide), les quelques membres de la communauté que j’ai eu la chance de rencontrer et / ou avec qui j’échange de façon régulière devraient pouvoir le confirmer. Le côté « tranché » c’était surtout, à la base, une manière de démarquer le muscle (mon blog) dans la forêt de blogs SEO qui existaient quand je me suis lancé. Je voulais faire un blog différent, écrit sur un ton original. Et puis, c’est resté et il faut avouer que, de temps en temps, ce n’est pas plus mal de pouvoir écrire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, même si c’est clivant. J’ai mes fans et mes détracteurs.
Sinon, que dire, j’ai 45 ans, j’ai commencé le SEO en 2004 en France. J’ai fait la 1ere moitié de ma carrière en Agence : 1ere Position en France, puis Londres, les US au Texas et pour finir le Canada à Vancouver. C’est là que j’ai fini par passer du côté annonceur. Tout d’abord chez le leader mondial de l’optique en ligne puis chez Electronic Arts où je suis SEO stratégiste SR. depuis bientôt 7 ans et où j’espère vraiment finir ma carrière.
Lucie : Tu as beaucoup vadrouillé ! C’est ton parcours pro qui a déterminé les voyages ou ce sont les envies de partir qui t’on fait prendre ces postes ?
Julien : Au départ, j’ai presque envie de dire ni l’un, ni l’autre. C’est ma femme qui m’a pris dans ses bagages, en fait. En 2006, elle était prof de FLE et il y a plus d’étrangers à l’étranger. Nous avons donc pris la direction de Londres. Elle a ensuite trouvé un poste au consulat de France à Houston où nous sommes allés nous installer. Le canada c’était plus un choix commun pour le coup, car nous ne nous voyions pas retourner en France a la fin de son visa diplomatique.
Être en vadrouille, cela a été à la fois un énorme boost pour ma carrière mais aussi de gros retours en arrière par moment:
D’un côté, je ne sais pas si j’aurais pu faire une telle carrière en France.
De l’autre, quand nous sommes partis de Londres, j’étais Head of Search pour la filiale UK de NetBooster. J’avais 4 SEO et 4 SEA sous mes ordres et je ne m’occupais plus que des gros clients. Et le marché Anglais à l’époque était monstrueux, beaucoup d’agences, beaucoup de clients et une monnaie forte. Le départ au Texas m’a obligé à retourner dans une petite agence pour m’occuper de PME locales. De la même manière, une fois arrivé à Vancouver, il a fallu trouver du travail rapidement, j’étais donc “en soldes” et que ce soit aux US ou au Canada, j’ai dû faire de gros sacrifices au niveau salarial au début.
Ceci dit je ne regrette rien, le départ à l’étranger reste le meilleur move que j’ai fait, cela nous a donné, à moi et ma famille, des opportunités de vie que nous n’aurions jamais eu en France. Aujourd’hui par exemple, j’ai la double nationalité FR / CA ce qui me permet beaucoup de choses au niveau expatriation. Et un de mes fils a 3 passeports.
Lucie : Tous ces choix t’ont mené à ton poste actuel de SEO stratégiste à Vancouver. Tu peux nous expliquer un peu plus ce que tu fais chez Electronic Arts ?
Julien : Ce que je fais chez EA. Ouhlalalala en voilà une question qu’elle est large. Je suis stratégiste SEO et si on veut simplifier les choses pour ne pas que cette interview soit trop longue on peut dire que mes tâches s’articulent surtout autour de 3 grands axes:
- Au jour le jour, je suis responsable de tout le portfolio jeux / studios / site corpo.
Dans l’absolu je vais beaucoup travailler sur l’identification des thématiques à explorer qui pourraient avoir un intérêt pour nos joueurs et pour lesquelles ils sont susceptibles de faire des recherches – les “ratings” pour les jeux de sports par exemple, les tips, controls, les features de certains jeux (armes, maps, véhicules, personnages etc.). C’est un travail qui consiste à trouver l’équilibre entre donner les infos nécessaires à nos joueurs mais sans spoiler le jeu. Il faut aussi faire en sorte que les pages “d’achats” de nos jeux soient performantes par rapport à la concurrence (steam, Playstation, Xbox, Walmart, Gamestop etc.).
Je fais aussi pas mal de travail sur le choix de certains titres de jeux. Alors on ne va pas forcément toujours aller dans le sens du SEO mais dans certains cas mon input a été pris en compte.
La gestion du portfolio de jeux passe aussi par fixer les problèmes intrinsèques au site (modification de certains composants, Fix de certains problèmes) et par la formation des équipes internes, notamment les content manager et les copywriters.
- Je travaille sur les grandes lignes stratégiques qui vont s’appliquer au site
A mon arrivée chez EA,par exemple, il a été décidé que tous les jeux seraient désormais sous l’egide ea.com au lieu de créer des sites dédiés pour chaque jeu. A la base c’est surtout un move pour faciliter la maintenance des sites des jeux qui étaient sous différentes techno, différents hébergements etc…
On a tout d’abord fait un gros travail de standardisation et d’énormes campagnes de migration. Une fois tout cela planifié, on a fait une refonte totale du site ea.com pour qu’il puisse avoir une architecture qui soit en mesure d’héberger intelligemment les jeux. Ensuite on a rapatrié progressivement toutes les franchises (et il y en a un paquet) depuis leurs domaines dédiés vers leur section sur ea.com (battlefield.com/$titre$ vers ea.com/games/battlefield/$titre$).
L’année dernière on a rapatrié origin.com sous ea.com – et croyez moi ou non, cette migration la, elle a vraiment été funky à planifier. C’était un sacré morceau, Origin. Et bien entendu: interdit de perdre du trafic ou de la visibilité sinon ce serait trop facile.
- Je travaille sur les futures versions du site
La je ne peux pas vraiment en dire plus mais dans l’absolu. Mais à titre d’exemple: le travail sur le futur site que j’ai fait les 2 années précédentes a permis de migrer Origin l’année dernière. Le seul truc que je peux dire c’est que c’est la partie la plus fun du job, même si de temps en temps on taffe beaucoup sur des choses qui au final ne voient pas le jour.
Lucie : Le point de vue sur le SEO à Vancouver est-il le même que celui du SEO français?
Julien : Oui et non.
D’un point de vue technique, process et stratégies (dans une certaine limite) c’est très similaire, le SEO cela reste le SEO, les optimisations et les recommandations vont être les mêmes. La communauté a différentes approches vis à vis de certains aspects métier, notamment le link building, ici il n’y a pas, à ma connaissance, de plateformes comme on en a beaucoup en France. Ici le lien se fait de façon plus “discrète” on va dire.
Un autre aspect radicalement différent cette fois c’est le marché. Le Canada est bilingue, du coup, si on veut véritablement s’attaquer à tout le Canada, le bilinguisme va s’imposer assez rapidement.
Et puis il y a aussi le fait que nous sommes voisins avec les US. Et les compagnies US ici sont omniprésentes. Donc sur beaucoup de thématiques, quand on travaille en anglais, il sera commun de trouver le pendant canadien d’un mastodonte américain qui sera soutenu par le(s) site(s) de la maison mère. Personnellement depuis que je suis chez EA je suis moins concerné par le souci mais quand je travaillais chez Clearly la concurrence avec Specsavers ou Warby Parker par exemple était assez difficile. Mais pour beaucoup de business, notamment les pure players, cela peut être handicapant de se retrouver face à un Walmart, Target, Sleepcountry ou autres. Ceci dit, cela n’empêche pas certaines compagnies de se faire une jolie petite place au soleil.
Lucie : Bon, comme j’aime bien mettre les pieds dans le plat quand même, est-ce qu’on reparle de ton dernier article sur ton blog ? Est-ce que tu veux parler des réactions qu’il a déchainé ?
Julien : Ah ah ah ah… Si tu veux. Ma foi je pense que l’article parlait pour lui même mais en fait il semble que beaucoup de gens l’ai vraiment mal interprété. Dans l’absolu c’est juste un coup de gueule sur 2 choses récurrentes que je peux voir dans la twittosphère “SEO” et bizarrement surtout en France.
La première c’est l’augmentation du bruit fait par une certaine frange d’éditeurs de sites. On les voit tous a grands coups de “threads” promouvoir des conseils, tout aussi creux les uns que les autres tout en se labellant eux même “SEO” et en trashant en partie le reste de la communauté. Dans le même temps, la plupart montrent de vraies lacunes au niveau technique et “métier”, genre, tu leur enlèves leur WordPress et c’est fini y’a plus personnes. Ensuite pour beaucoup d’entre eux,il faut quand même avouer que leur business modèle a l’air de beaucoup reposer sur la vente de la formation qu’ils ont suivi eux même pour “devenir riche” ou sur la vente de lien. Ça a l’air très pyramidal comme business plan, on va dire.
En aparté: Sur le sujet de la vente de lien le fait d’avoir autant de plateformes de ventes de lien n’a pas fait que du bien au business a mon avis. De mon point de vue j’ai l’impression que toute une catégorie d’éditeurs de sites tournent en circuit fermé. Ils achètent des expires, font monter leur popularité en achetant des liens, et ensuite ils se mettent sur une plateforme pour revendre des liens eux même. J’ai dans l’idée que ca n’est pas très pérenne tout ca.
La 2e chose qui me saoule en ce moment c’est la façon de communiquer très “complotiste” de certains jeunes SEO (en général proche de la sphère édition) et qui arrivent avec des titres putaclic du type “5 conseil que les SEO vous cachent” et qui derrière disent de soigner ses balises title, d’installer Yoast sur ton Wpress et de mettre des mots clés dans les titres. Bref, des conseils ni révolutionnaires, ni secrets.
J’ai l’impression qu’il y a depuis un certain temps une sorte de nivellement par le bas et ça m’ennuie. L’article n’en est que le reflet.
Les réactions… Tu veux vraiment qu’on en parle ici? Ma foi, l’article a été plutôt clivant et on va dire que j’ai eu un week-end avec pas mal de lecture et de commentaires twitter 😅.
Grosso modo j’ai eu 4 types de réactions:
- Les mecs concernés, qui l’ont pris plutôt mal et qui m’ont abreuvé d’insultes avec un thème général plutôt orienté sur “boomer Jaloux parce qu’on fait de l’argent et pas lui” (Ah la la si ils savaient … )
- Les membres de la communauté qui ont le même avis que moi et qui m’ont soutenu
- Les béni-oui-oui de la sphère, qui sont du même avis mais qui n’aiment pas le ton de l’article ou qui veulent garder la paix des ménages.
- Les pélos qui on rien compris et qui sont parti sur une critique de l’article parce qu’ils trouvaient que c’était “anti Jeunes”
Au final pour moi, ça m’a fait un petit boost au niveau des abonnés et puis comme je poste peu ces derniers mois, ça a permis de relancer le trafic sur le blog.
Lucie : Puisqu’on est un peu sur une problématique générationnelle, je vais en profiter pour poser ma question habituelle : Si tu pouvais aller parler au petit Julien que tu étais, tu voudrais lui dire quoi ?
Oooouuuuh pinaise ! En voilà une question qu’elle est pas facile a répondre. Et puis on tape dans du personnel là. Honnêtement, j’aurais probablement beaucoup de choses à lui dire mais pour beaucoup je ne pense pas que ce soit le bon endroit pour en parler.
Une chose est certaine, je lui dirai de s’étirer avant et après les entraînements et que ses genoux lui diront merci plus tard 😅. Je lui dirai de mieux bosser à l’école (pas que j’étais un cancre mais, disons que j’aurais pu me faire un peu plus violence, surtout au lycée) notamment ses maths, de mieux bosser sa guitare et que c’est important de choisir sa carrière tôt. Je lui conseillerai de travailler sur sa timidité et son côté introverti. Enfin je pense que je lui dirai de profiter de la famille et des amis autant que possible, parce qu’une fois expat’ une partie des gens les plus proches (le support network comme on dit ici) tu les vois physiquement uniquement sur les gros événements familiaux (les événements joyeux, et les événements tristes) ou alors un fois tous les 2 ou 3 ans. La distance c’est le seul côté négatif un peu de l’expatriation.